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classes populaires - Page 2

  • L'enterrement des classes populaires...

    Nous reproduisons ci-dessous un entretien donné par le géographe Christophe Guilluy au FigaroVox et consacré aux résultats des élections européenne. Christophe Guilluy est l'auteur d'un essai intitulé Fractures françaises (Bourin, 2010).

     

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    Christophe Guilluy : «Cyniquement, nos dirigeants ont enterré les classes populaires»

    FigaroVox: Votre travail de géographe a mis en lumière les fractures françaises. Que vous inspire la réforme territoriale? Après la victoire de Marine Le Pen aux élections européennes, celle-ci répond-elle aux véritables enjeux?

    Christophe Guilluy: Lorsqu'on connaît la crise économique, sociale, identitaire que traversent les catégories populaires sur les territoires de la France périphérique, ce débat médiatico-politique sur la bonne échelle régionale paraît totalement anachronique. L'ouvrier à 800 euros par mois qui habite au fin fond de la Normandie se moque de savoir si le duché de Normandie va être reconstitué.

    Après le résultat électoral du 25 mai, lancer un tel débat, c'est dire aux Français, «je ne vous ai pas compris et je ne vous comprendrai jamais!». Pourquoi 14 régions et non pas 6? Si on part du principe que pour être fort, il faut regrouper les régions, je propose de regrouper les 22 régions et d'en faire une méga région qu'on appellerait «la France»!

     

    Quelles sont ces fractures françaises qui minent le territoire et qui selon vous ne sont pas prises en compte par cette réforme?

    Je suis géographe, mais paradoxalement je crois davantage aux gens qu'aux territoires. Cette réforme hors-sol oublie l'essentiel, c'est-à-dire le destin des catégories populaires des pays développés dans la mondialisation. Depuis ces 40 dernières années, ces dernières sont mises à l'écart des territoires et secteurs économiques qui comptent, des zones d'emplois les plus actives.

    Dans un contexte de mondialisation, ce phénomène n'est pas propre à la France, mais touche tous les pays européens ainsi que les Etats-Unis. Aujourd'hui, pour fonctionner, «la machine économique» a besoin de cadres qui travaillent dans des secteurs de pointe et d'immigrés à exploiter dans les services, le tout réunis dans les grandes métropoles. Les autres catégories sont rejetées à la périphérie.

    Si l'on s'arrête aux critères basiques de création de richesses, c'est un système qui fonctionne puisque la France reste la cinquième puissance économique mondiale. Mais les catégories modestes, qui sont majoritaires puisqu'elles pèsent au moins 60% de la population, ne sont pas intégrées économiquement. La société se cristallise autour de cette nouvelle géographie qui provoque l'émergence de fractures politiques. La victoire de Marine Le Pen aux européennes en est la démonstration.

     

    Quel rôle la question de l'immigration joue-t-elle dans ces nouveaux clivages sociaux et territoriaux?

    Les logements sociaux des grandes villes se sont peu à peu spécialisés dans l'accueil des flux migratoires que ces catégories populaires, pourtant éligibles au parc social, cherchent à éviter. A la lisière des métropoles, celles-ci vivent dans des endroits moins valorisés foncièrement. Elles sont de moins en moins mobiles et quand elles sont propriétaires, la valeur de leur bien ne leur permet ni de vendre, ni d'acheter ailleurs. Dans cette insécurité sociale et économique, leur toit et leur «village» restent leurs dernières protections. Du coup, le rapport à l'autre devient fondamental. Car, dans une société multiculturelle où «l'Autre» ne devient pas «soi», les gens ont besoin de savoir combien va être «l'Autre» dans leur village. Ce n'est pas quelque chose de typiquement Français, mais d'universel. Posez la question de «l'Autre» et des flux migratoires dans n'importe quel pays, de la Chine à la Kabylie en passant par le Portugal, la réponse sera toujours la même: «je n'ai pas envie de devenir minoritaire chez moi».

    C'est un ressort essentiel du vote FN et du vote dit populiste partout en Europe. Cela structure complètement la carte électorale et de plus en plus. L'exemple de la Bretagne est particulièrement intéressant. L'idée que les fondamentaux bretons, comme la culture catholique, protégeraient du vote FN est battue en brèche par la réalité. La conjonction de la crise économique et de l'immigration produit les mêmes effets que sur les autres territoires. En revanche, dans les grandes métropoles, le vote FN est moins important car c'est là que se trouvent les gagnants de la mondialisation. Dis autrement, le multiculturalisme à 5000 euros par mois, ce n'est pas la même chose qu'à 500 euros par mois!

     

    Cette réforme ne risque-t-elle pas paradoxalement d'accentuer les déséquilibres et de creuser les lignes de fracture? Ceux qui craignent un morcellement territorial digne du Moyen-âge ont-ils raison?

    Les difficultés sociales dans la France périphérique sont essentiellement prises en charge par les maires et les conseils généraux. C'est un maillage qui est encore efficace, notamment grâce à la connaissance de terrain d'élus locaux capables de faire pression au niveau national pour ramener des services publics. Dans la France périphérique où les catégories populaires se sentent délaissées, la présence d'institutions et de collectivités visibles assure encore une forme d'intégration. En toute «cohérence», avec la disparition des départements, la France des invisibles accoucherait d'institutions invisibles! La boucle serait bouclée! Derrière une réforme qui peut apparaître comme consensuelle, le projet est toujours le même: renforcer les grandes métropoles mondialisée, mais quid des autres territoires. Je pense que cyniquement nos dirigeantes ont enterré les classes populaires depuis longtemps. Peut-être ont-ils pensé qu'elles n'allaient pas se reproduire et qu'ils pourraient faire une société avec des cadres uniquement? Sauf que les gens continuent à vivre, qui plus est assez vieux. La classe politique se trouve donc confrontée à une réalité sociale imprévue et dispersée dans l'espace. N'ayant pas de contre-modèle, elle n'a d'autre choix que de booster économiquement ce qui fonctionne et de faire un peu de redistribution. Le problème c'est qu'avec la dette, cela devient de plus en plus compliqué de redistribuer et les gens commencent à manifester leur colère comme on peut le voir à travers le vote FN ou à travers le mouvement des Bonnets rouges.

     

    Alors, comment rapprocher les métropoles de la périphérie? Cela passe-t-il par davantage de décentralisation ou au contraire par une recentralisation?

    Face à des espaces métropolitains économiquement et politiquement riches et puissants, il faut penser un modèle économique pour les autres territoires. Mais rien ne sera possible sans un renforcement du pouvoir politique de cette France périphérique et le partage d'un diagnostic. Or, les dirigeants actuels, qui pour l'essentiel viennent tous des grandes métropoles, ne veulent pas l'entendre. Pour elles, les classes populaires ne comptent pas. Mais une situation comme celle-là ne sera pas viable très longtemps d'autant plus que ces dernières commencent à saisir qu'elles ne sont pas «quantité négligeable», mais qu'elles sont la majorité. Mécaniquement, on va donc assister à une montée des radicalités sociales et politiques. Sur le long terme, c'est jouer avec le feu.

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  • Classes populaires : les nouvelles classes dangereuses ?....

    Le nouveau numéro de la revue Eléments (n°147, avril - juin 2013) est disponible en kiosque.

    Dans ce numéro, Pascal Esseyric et Patrick Péhèle nous offre un dossier consacré aux classes populaires, qui pour le système sont devenues les nouvelles classes dangereuses, ainsi que des articles variés sur l'art contemporain, les cités jardin, l'auteur de science-fiction Alain Damasio, l'anarchisme  ou le conflit syrien. Et on trouvera également un entretien avec Piero San Giorgio ainsi que l'éditorial de Robert de Herte intitulé « Défiance partout, espoir nulle part ? ».  

    Vous pouvez aussi le commander ou vous abonner sur le site de la revue : http://www.revue-elements.com.

     

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    Au sommaire de ce numéro :

    Editorial

    Editorial de Robert de Herte : "Défiance partout, espoir nulle part ?"

    Entretien

    Entretien avec Piero San Giorgio : “Nous allons redécouvrir la pénurie”

    Cartouches

    • Comme en 14, par Michel Marmin
    • Le vernissage, par Xavier Eman
    • Présence de Montherlant, par Pierre le Vigan
    • Romans noirs, par Pierric Guittaut 
    • Carnet de lecture, par Michel Marmin
    • Jappeloup : une belle rencontre, par Ludovic Maubreuil
    • Eloge de François d'Assise, par Jean Messier
    • Sciences, par Bastien O'Danieli

    Le combat des idées

    • Beauté classique, laideur contemporaine, par Jacques Bressler
    • La bande-dessinée a sauvé la peinture, par Jean-Paul Letellier
    • Flash-back, par Michel Charlier-Haldorf
    La révolution selon Alain Damasio, par Mathilde Gibelin
    • Jordi Magraner et Jacques Vergès, par Pascal Esseyric
    • Architecture : le renouveau des cités-jardins, par Pierre Le Vigan
    • Démocratie : la leçon suisse, par Félix Morès
    Tribune : regard sur le conflit syrien, par Maurice Cury
    • Redécouvrir l'anarchisme, par Olivier François

    Dossier : Les oubliés

    Le beauf : histoire d'une haine de classe, par Laurent Cantamessi
    God save the working class, par Félix Morès 
    La classe ouvrière n'ira plus au paradis, par Pascal Esseyric

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  • Les mystères de la gauche...

    Après Le complexe d'Orphée en 2011, les éditions Climats viennent de publier Les mystères de la gauche - De l'idéal des Lumières au triomphe du capitalisme absolu, le nouvel essai de Jean-Claude Michéa. Haï par la gauche sociétale, bobo et bien-pensante, comme le prouvent les violentes attaques dont il a été l'objet dans Le Monde et dans Le Nouvel Observateur, Jean-Claude Michéa en est l'adversaire le plus talentueux et le plus intransigeant, et chacun de ses essais est une bombe qui vient fissurer les remparts du camp du Bien. A lire, donc !

     

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    « Que peut bien signifier aujourd'hui le vieux clivage droite-gauche tel qu'il fonctionne depuis l'affaire Dreyfus ? Il me semble que c'est avant tout le refus de remettre cette question en chantier - et de tirer ainsi les leçons de l'histoire de notre temps - qui explique en grande partie l'impasse dramatique dans laquelle se trouvent à présent tous ceux qui se reconnaissent encore dans le projet d'une société à la fois libre, égalitaire et conviviale.
    Dans la mesure, en effet, où la possibilité de rassembler le peuple autour d'un programme de sortie progressive du capitalisme dépend, par définition, de l'existence préalable d'un nouveau langage commun - susceptible, à ce titre, d'être compris et accepté par tous les « gens ordinaires » -, cette question revêt forcément une importance décisive. Je vais donc essayer d'expliquer pour quelles raisons j'en suis venu à estimer que le nom de gauche - autrefois si glorieux - ne me paraît plus vraiment en mesure, aujourd'hui, de jouer ce rôle fédérateur ni, par conséquent, de traduire efficacement l'indignation et la colère grandissantes des classes populaires devant le nouveau monde crépusculaire que les élites libérales ont décidé de mettre en place. »

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  • Qui va gagner le prolo ?...

    Elisabeth Lévy, qui, avec Eric Naulleau, a remplacé Eric Zemmour pendant quelques jours dans sa chronique matinale sur RTL, nous livre un billet d'humeur bien salé sur la chasse au vote populaire qui s'est ouverte à l'approche de l'élection présidentielle...


    Elizabeth Lévy: "François Hollande et le vote... par rtl-fr

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  • "Il va y avoir des territoires qui vont s'ethniciser..."

    Vous pouvez écouter ci-dessous un entretien passionnant avec Christophe Guilluy sur France Culture. Géographe, Christophe Guilluy est l'auteur de l'essai intitulé Fractures françaises (Bourin, 2010), qui a quelque peu bousculé le politiquement correct ambiant... 


    Christophe Guilluy - "Fractures françaises" par lAfOIREaUXaTROCITES

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